Donald Trump relance les droits de douane à un niveau inédit depuis la Seconde Guerre mondiale. Objectif affiché : réduire le déficit commercial, relocaliser l’industrie américaine, renforcer la souveraineté économique. Mais cette stratégie peut-elle réellement fonctionner dans une économie mondialisée, marquée par des chaînes de valeur complexes et des interdépendances systémiques ? Dans cette vidéo, nous analysons les fondements théoriques (Krugman, Helpman, Fujita, Hanke), les précédents historiques et les implications géopolitiques du retour du protectionnisme. Une lecture rigoureuse pour mieux comprendre les logiques économiques derrière les décisions politiques.
Retour du protectionnisme : l’ère Trump marque une rupture stratégique
Le protectionnisme n’est pas une relique du passé. Avec le retour de Donald Trump, il redevient un axe central de la politique économique américaine. L’ancien président a remis les droits de douane au cœur des outils stratégiques des États-Unis, déclenchant une nouvelle phase de tensions commerciales mondiales. Ce virage protectionniste reflète une transformation plus profonde du commerce international, marquée par la remise en cause du libre-échange, la montée des nationalismes économiques et la fragmentation des chaînes de valeur mondiales.
Des tarifs douaniers inédits depuis 1945
Dès 2018, Trump a instauré des hausses massives de droits de douane, notamment sur plus de 370 milliards de dollars de produits chinois. En 2025, il pousse cette stratégie plus loin : certains produits sont taxés jusqu’à 145 %. S’y ajoutent des menaces de taxation généralisée et des revirements tactiques comme un moratoire de 90 jours. Ces mesures ne sont pas uniquement électorales : elles traduisent une refonte doctrinale de la politique commerciale américaine.
Quatre objectifs : réindustrialiser, réduire le déficit, renforcer l’autonomie, affirmer la puissance
Ce protectionnisme agressif vise quatre objectifs principaux :
-
Réindustrialiser les États-Unis
-
Réduire le déficit commercial, notamment vis-à-vis de la Chine
-
Renforcer l’indépendance économique
-
Utiliser le commerce comme instrument de puissance stratégique
Mais sur le terrain, les relocalisations restent limitées. Certaines usines ont bien été rapatriées (ex. acier), mais la majorité des industries reste dépendante de l’Asie et de l’Europe. Résultat : hausse des coûts pour les entreprises et les ménages (environ 800 à 1 000 dollars par an par foyer).
Un déficit commercial structurel… et mal compris
Les économistes divergent sur les causes du déficit commercial américain :
-
Paul Krugman l’explique par un excès d’investissement sur l’épargne nationale, conséquence logique du rôle du dollar comme monnaie de réserve mondiale.
-
Steve Hanke y voit le symptôme d’une surconsommation chronique des ménages et de l’État.
Dans les deux cas, les tarifs douaniers ne suffisent pas à résoudre durablement ce déséquilibre. Les flux commerciaux se redirigent simplement vers d’autres pays.
Des limites structurelles à la stratégie de Trump
Les théories économiques modernes soulignent les faiblesses du protectionnisme :
-
Krugman et Fujita : les économies d’échelle exigent des écosystèmes industriels complexes qu’on ne recrée pas par décret.
-
Helpman : les chaînes de valeur intra-firme sont essentielles à la compétitivité des multinationales.
-
Pindyck : l’incertitude économique agit comme une « taxe invisible » qui freine l’investissement.
Annoncer des tarifs, puis reculer, nuit à la confiance des investisseurs.
Des conséquences géopolitiques majeures
Ce retour du protectionnisme a aussi des effets systémiques à l’échelle mondiale :
-
Il affaiblit l’OMC, déjà paralysée par le blocage américain de son organe juridictionnel.
-
Il accentue la fracture géopolitique entre un bloc occidental et un bloc sino-russe élargi aux BRICS, avec des alternatives émergentes : BRICS Pay, accords en monnaies locales, Belt and Road Initiative, RCEP.
-
Il accélère la dédollarisation et la régionalisation du commerce.
Un capitalisme politique en émergence
Trump rompt avec le consensus de Washington : il ne cherche plus l’efficience mais la résilience. On assiste à un glissement vers un capitalisme politique, où l’État redevient acteur stratégique.
Les priorités sont désormais :
-
La sécurité des approvisionnements
-
Le contrôle technologique (semi-conducteurs, batteries, IA)
-
La souveraineté industrielle
Ce protectionnisme technologique dépasse les secteurs traditionnels comme l’acier ou le charbon.
Une stratégie risquée dans un monde interconnecté
Mais une question demeure :
Ce protectionnisme peut-il réellement répondre aux défis du XXIe siècle, ou s’agit-il d’un réflexe obsolète ?
Car les risques sont réels :
-
Inflation aggravée
-
Pertes de productivité
-
Représailles commerciales
-
Affaiblissement de la coopération internationale
Le monde post-2025 ne ressemblera plus à celui de l’après-guerre. Le libre-échange généralisé semble révolu, et l’ordre économique mondial bascule vers un système plus conflictuel et fragmenté.
📚 Pour aller plus loin : « Geography and Trade » – Paul Krugman, « The Mystery of Economic Growth » – Elhanan Helpman, « Protection or Free Trade? » – Frédéric Bastiat (classique)
0 commentaires